A lire en écoutant : Don’t Let The Man Get You Down – FatBoy Slim
Aujourd’hui, il s’est passé un truc exceptionnel.
Un homme s’est déprimé. Mais après tout, quoi d’exceptionnel, puisqu’on nous rabâche que 20% des français auront au moins un épisode dépressif caractérisé dans leur vie. Et bien, comme pour beaucoup de fois, l’exceptionnel est bien caché dans l’intitulé. Mr Casimir est jeune. Très jeune. Tellement qu’on le voit comme un enfant au départ. Une enfance, il en a une. J’hésite à la raconter. Elle m’a choqué en fait. Pour changer. J’espère continuer à pouvoir rester choqué, soit dit en passant. Parce que la violence existe, évidemment. Pas la peine de la cacher. Pas la peine de la nier. Certains n’en expérimentent qu’un extrait dans leur vie, d’autres ont le prestige de ne se construire que sur ça.
Sur ce coup-là, j’ai eu l’impression de rentrer dans une histoire que j’aurais pu lire dans un journal du quotidien. Mais avec l’accès aux coulisses derrière les grands titres et les préjugés. Mr Casimir a vu des choses qu’un enfant ne devrait pas voir. Il a eu un papa qui ne l’a peut-être jamais aimé. Peut-être n’a-t-il jamais pu le montrer. Peut-être ne reproduisait-il que le schéma appris de son propre père. Son papa n’aimait pas trop sa maman. Ou peut-être l’aimait-il trop. Parfois en désaccord. Parfois dans la violence verbale. Parfois physique. Parfois dans la négligence. Parfois des pratiques que la société et la culture condamnent. Ce qui est sûr, c’est que Mr Casimir n’aurait pas dû voir sa maman dans cette position, dans cette situation. Pourquoi autant de fois? C’est donc ça la normalité? Comment comparer à 5 ans. Non. A 5 ans, on regarde, curieux. On apprend. On prend tout comme la vérité. Surtout quand ça vient de nos parents.
Le problème, c’est quand on perd notre maman. Quand la seule personne qu’on aime disparaît. Trop jeune. Et devant soi. Même à 12 ans, on ne sait pas comment réagir. Et on n’a plus de cachette. Plus de réconfort. Plus de raison de vivre. Alors on fait ce qu’on a vu à la TV, ou chez les voisins, ou dans la famille. On utilise tout ce qu’on peut pour essayer d’en finir. Oui, c’est violent. Lames de rasoir et médicaments d’abord. Mais le destin nous retient. Sur le chemin chaotique de la misère sociale, on croise quelques bonnes âmes. Elles essaient de nous tirer de toutes leurs forces pour les rejoindre sur un chemin moins cabossé. Mais aussi bizarre que cela puisse paraître, quand on n’a connu qu’un seul chemin, et qu’il est ravagé de tous bords, on apprend à y trouver des détails qui nous réconfortent. Alors quand on s’éloigne de son habituel chemin, ça nous manque. Et on y retourne.
Après s’y être replongé, Mr Casimir a alors utilisé d’autres outils pour s’assurer qu’on ne puisse plus jamais le retirer violemment de son chemin obscur. Il a pris du poids. Et c’est bien connu, plus on est lourd, plus il faut du monde pour arriver à vous bouger. Et ça a le merveilleux bénéfice d’être un facteur d’exclusion sociale. Plus personne ne l’embêtera. Il fera ce qu’il veut. Mangera en abondance sans frustration. Et pleurera sa mère. Et haïera son père. Pour l’éternité. Il en profitera aussi pour apprendre à décoder les comportements des gens, leurs allures, leur manière d’être. Dans l’espoir, peut-être, d’essayer de mieux comprendre ces personnes qui sont si loin de son chemin. Il en développera une certaine sensibilité, mais dont il ne saura pas quoi faire. A quoi bon savoir faire de la dentelle quand on est boxeur.
Mr Casimir est touchant. Il souffre. Alors ça touche. Au moins un minimum. Bizarrement, un peu plus tard, cette unique émotion viendra se mêler à de la surprise, puis de la colère, du dégoût pour créer un nouveau sentiment que je n’avais jamais vécu. Un sentiment de « sympathie antipathique ». Mr Casimir m’a plongé dans son vécu, m’a emmené sur son chemin, pour me montrer comment il en est venu à répéter le schéma parental. Après tout, qui n’a pas un jour imité son père ou sa mère. On en fait rarement toute une histoire. Seulement Mr Casimir me dit avoir perdu tout contrôle sur lui. Comme son père. Et comme il était célibataire, ce n’est pas sa femme qui en a expérimenté les fruits, mais plutôt « les femmes » en général. C’est qu’il arrivait finalement à les repérer, celles qui ressemblaient le plus à sa mère. Fragiles, mais attirantes. Vulnérables. Dégageant de l’amour. Mais lui ne cherchait qu’à imiter son père. Il avait pourtant appris que la société ne tolérait toujours pas ce type d’agissement. Mais est-ce facile de freiner un comportement appris pendant 10 ans? Si on vous obligeait à marcher sur les mains alors que vous ne marchez qu’avec vos jambes depuis tant d’années, le feriez-vous pour autant?
Mais ce n’est pas pareil. Il y a là atteinte à l’intégrité physique et psychique de l’autre. C’est vrai. Alors on doit le mettre dans la case des bourreaux. Recalé. Alors qu’il venait de s’installer tranquillement dans la case des victimes. Quel gâchis.
Seulement il continue à vivre. Il est là, d’ailleurs. Devant moi. Déprimé. Son comportement commence à le détruire. Ou peut-être cela a fini de le détruire. Il a tenté de se reconstruire une vie, de construire une famille. Il aura peut-être un enfant. C’est son rêve. Mr Casimir s’est mis à rêver.
Joli texte. C’est vraiment touchant. Et simple. Et pur de beauté.
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Merci pour ce joli commentaire ! Au plaisir de vous recroiser par ici !
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